Pr HIEN Sié : « Je croyais que je parlais très bien la langue lobiri mais il m’a fallu écouter les paroles de Nani PALÉ, pour me rendre compte que j’avais des insuffisances ».

Pr HIEN Sié : « Je croyais que je parlais très bien la langue lobiri mais il m’a fallu écouter les paroles de Nani PALÉ, pour me rendre compte que j’avais des insuffisances ».

Musicologue et chercheur à l’université Félix Houphouet-Boigny, Professeur HIEN Sié est aussi un promoteur de la culture lobi. Il est ainsi l’organisateur principal du premier colloque international sur Nani PALÉ qui s’est tenu à l’univesité Félix Houphouet-Boigny du 15 au 17 avril 2021 sous le thème : « Nani PALÉ, un chansonnier pour toutes les générations de Lobi ». Dans cette interview qu’il a accepté d’accorder au Theoricien.ci, le musicologue nous analyse les œuvres musicales de Nani PALÉ et se prononce sur leur avenir.

« Nani PALÉ, un chansonnier pour toutes les générations de Lobi », tel est le thème-phare qui a orienté les réflexions et communications de ce colloque. Pourquoi avez-vous préféré une telle orientation ?
Ce thème est le fruit d’une longue réflexion. Puisque les œuvres musicales de Nani PALÉ ne s’adressent pas à une génération fixe mais plutôt à tous les Lobis d’hier, d’aujourd’hui et de demain, il fallait bien trouver un thème qui prenne en compte toutes les générations de Lobis. Dans la mesure donc où ces productions musicales de Nani PALÉ brassent la vie du Lobi dans son intégralité et de tout Lobi en général, le thème de ce colloque se veut fédérateur : enfants, jeunes, adultes, vieillards, tout le monde est concerné par le message de Nani et se doit d’être interpellé par ce thème.

Qu’est-ce qui fait selon vous, l’originalité de la musique de Nani PALÉ ?
Quand on écoute la musique de ce grand chantre, on est tout de suite frappé par cette harmonie entre la voix et les notes musicales telle qu’on n’en trouve pas ailleurs dans nos sociétés traditionnelles. Cette capacité à lier notes musicales et jeux d’instrument fait de Nani PALÉ un musicien hors pair. On a beaucoup de choses à tirer de sa musique. Il n’est pas seulement un musicien ; bien qu’il n’ait pas fréquenté « l’école du Blanc », il demeure un poète et un philosophe dont les idées, brassant les différents aspects de la vie de tout Lobi, restent d’actualité. Et chacun des intervenants à ce colloque (linguistes, sociologues, anthropologues, historiens,…) nous aura fait savourer d’une manière ou d’une autre, les délices musicales de Nani PALÉ.

Quels sont les résultats attendus à la fin de ce colloque ?
Il est indéniable que nous ne disposons pas de beaucoup d’écrits sur l’artiste. Alors, notre objectif est de sortir de ce colloque avec des actes qui puissent consigner ne serait-ce que les réflexions qui auront été menées de sorte qu’elles puissent inspirer les générations à venir en leur servant de tremplin pour l’envol définitif de la culture lobi. Par ailleurs, il nous faut noter que Nani PALÉ est une richesse linguistique pour les Lobis ; l’idéal final est donc de motiver la postérité à apprendre la langue lobiri à travers les textes musicaux de cet homme. Moi-même, je croyais que je parlais très bien la langue lobiri mais il m’a fallu écouter les paroles de Nani pour me rendre compte que j’avais des insuffisances.

Comment envisagez-vous de sauvegarder les œuvres musicales de Nani ?
N’eurent été les problèmes d’ordre matériel et technique rencontrés, on aurait déjà reproduit les œuvres de Nani avant ce colloque. En effet, une grande partie des œuvres de ce génie artistique lobi sont à notre disposition et avec l’accord des parents de Nani encore en vie au Burkina Faso, nous comptons les retravailler très incessamment et les rendre disponibles sur le marché musical. Du reste, il faut souligner qu’au-delà des chef-d ’œuvres de l’artiste, c’est l’avenir de toute la culture lobi qui est en jeu ; et c’est dans une synergie d’actions (réflexions intellectuelles, des manifestations culturelles…) entre les Lobi du Burkina et de la Côte d’Ivoire que la culture lobi survivra.

Le balafon lobi était le seul instrument de prédilection de Nani PALÉ ; cet instrument a-t-il encore de beaux jours devant lui ?
La question de l’avenir du balafon lobi est un problème et tout le monde le sait. Le balafon est l’instrument de musique identificateur de la musique lobi et s’il en venait à disparaître, on n’aurait plus notre raison d’être. Pratiquer la musique avec cet instrument renferme beaucoup d’interdits et de mystères certes ; toute chose qui pourrait expliquer partiellement le manque d’engouement et d’intérêt de la jeunesse lobi pour le balafon. Toutefois, il y a des jeunes sur qui on peut encore compter. Avec eux et avec les musiciens lobi, nous allons travailler à la sauvegarde et même à la vulgarisation de cet instrument. Même s’il faut organiser des festivals à cet effet, on le fera.

PALÉ Bèbè Gaétan

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