Plus d’une centaine de balayeurs et balayeuses de la capitale économique ivoirienne sont au service des rues insalubres de la ville d’Abidjan, mais peu de personnes savent qui sont-ils ? Quel est leur parcours de vie ? Et d’où viennent-ils ? Rassemblés le mardi comme à l’heure habituelle après le travail à l’espace panier juste à la sortie du quartier de deux plateaux non loin de la station PÉTROCI, ils se sont mobilisés pour parler d’eux et lancer un appel à la population.
“Je suis monsieur Christian Série Pka, nettoyeur de rue à l’agence de ECOTISA depuis plus d’un an. J’ai été à la l’école j’ai fait la classe de primaire jusqu’à l’université, j’ai obtenu le bac et ensuite un BTS et une licence en ressources humaines. Avec les problèmes dans le travail en Côte d’Ivoire et les difficultés de la vie, j’ai du mal à avoir du travail et même me lancer dans une affaire. Pour ne pas rester sur le carreau à ne rien faire, j’ai décidé de faire des choses qui ne font pas partie de mon train de vie que j’ai tracé. Ce choix de travail je ne le regrette pas, car grâce à cela j’arrive à satisfaire et assouvir un certain nombre de besoins. J’ai des projets mais cela demande de se préparer et beaucoup de moyens mais je ne presse pas je me prépare. Ce travail c’est un tremplin et une stratégie pour nous maintenir. Le travail que je fais est relaxe et se déroule dans un contexte démocratique mais nous lançons un appel à la population pour le respect de notre travail et pour l’effort que nous faisons.
Je demande juste le respect des citoyens c’est tout.
“Madame Sié, dit leur qui nous sommes ! Nous ne sommes pas des moutons, cette dame, c’est la preuve que nous sommes des femmes et des hommes mariés qui ont fait les bancs de l’école comme tout le monde. Nous demandons aux ivoiriens d’arrêter d’être désagréables et impolis parce que ça c’est de l’insolence, ajouta une dame vêtue d’une robe pagne avec des cheveux tirés à quatre épingles dans un état de colère montrant son mécontentement à travers une expression de visage effrayante. Nous voulons que le gouvernement sanctionne toute personne qui salit les rues volontairement.
“J’habite loin, je viens pour rendre la ville propre comme chez les blancs là et les ivoiriens sales-là qui n’ont pas peur des gens viennent essuyer leur front avec le lotus et jeter ça sur mon visage, c’est de la sorcellerie. Moi je suis allé à l’école jusqu’en classe de troisième, j’ai été commerçante, j’ai touché un peu à tout dans ma vie donc si aujourd’hui je suis balayeuse, ce n’est pas le chômage hein, c’est un choix de vie“ explique madame Sopkorie Epoby Yolande épouse Sié.
“Les ivoiriens ne nous respectent pas. On ne mendie pas pour avoir notre argent, on n’agresse pas on cherche l’argent à la sueur de notre front et puis on est là. Le travail que nous faisons ce n’est pas parce qu’on est content de le faire mais parce que dans la vie d’un être humain il est obligatoire de travailler pour subvenir aux besoins. C’est vrai que c’est nous qui sommes payés hein mais ils doivent aussi prendre conscience que cela va aussi de leur responsabilité d’arranger leur pays“ rajouta-t-elle.
“Au temps d’Houphouët, nos parents n’avaient pas ce genre de problème, pourquoi moi vieille aujourd’hui je balaie les rues, c’est pour montrer à mes enfants d’aujourd’hui comment on nettoie, comment on arrange. Je suis heureuse et en même temps je souffre mais ECOTI m’aide. C’est parce que mes enfants ne travaillent pas donc je dois le faire pour les nourrir. Confie avec une voix morose la mémé du groupe qui elle refuse de donner son nom.
“moi c’est Baledo Atelain et je voudrais rajouter sur ce que la vieille a dit, effectivement dans ce travail on rencontre plusieurs personnes âgées parce que les jeunes c’est le monde qui les intéresse donc pour eux nous c’est parce que nous n’avons pas de vie que nous faisons ce travail mais c’est faux moi j’ai un BTS en ingénierie, j’ai des loisirs, j’ai de la famille je ne mendie pas hein donc qu’ils arrêtent de nous prendre pour bête ou pour des fous.
“Une femme de teint claire assise près de ces balaies et d’autres outils de travail fait le point de sa journée tout en encourageant ses collègues à parler et à dénoncer ce qu’ils subissent avec les passants et de n’est pas oublier les chauffeurs de gbaka avec leurs frères les taximen sans oublier les voitures personnelles. Elle s’exprime à haute voix j’ai des collègues amputés, renversés qui n’ont plus la possibilité de travailler à cause de ce qu’ils subissent dans les rues.
“Même refrain pour Amenan Silvie, femme de pasteur, la quarantaine qui quant à elle, fait savoir qu’elle est obligée de laisser passer les choses lorsque les gens sont désagréable avec elle sans même prendre le temps de réfléchir qu’ils sont en face d’un être humain.
“En tout cas, c’est dur. Une fois que tu essaies de faire comprendre aux passants votre bonne foi automatiquement ils te sortent, “vous être payé pour ça donc arrêter de fatiguer les gens“ Souvent même tu te plies à leur volonté mais le chauffeur de gbaka et de taxi te sortira des propos tels que : on t’a loupé la prochaine fois tu seras écrasé ! Moi j’ai fait des études, j’ai été commerçante, je suis déjà allée à l’étranger, je sais comment ça se passe mais de voir des élèves et étudiants qui font les bancs se moquer et se foutre de nous. Je demande une sensibilisation pour ces personnes-là parce que ça ne va pas, on souffre avec eux. Ce qu’ils ne savent pas c’est que nous aussi nous allons chercher de l’argent à la banque comme eux donc nous sommes au même niveau qu’eux, du moment où nous avons des comptes bancaires comme eux ils doivent nous respecter. On est obligé d’être sur le soleil pour rendre la ville propre pour avoir la même rue que ceux des blancs. Nous sommes les médecins des rues“ elle part contente et heureuse d’avoir parlé.
“Toutes les personnes rassemblées applaudissent la dame et crient d’une seule voix nous sommes des médecins de rues et des agents de la propreté.
“Il a aussi des moments où nous sommes soutenus par des âmes généreuses qui nous encouragent et nous donne de l’argent pour nous motiver et être fier de nous.
“Chaque que jour c’est un combat pour ces vaillantes personnes qui donnent de leur temps et de leur amour pour le bien-être de la population dans les rues d’Abidjan.
Alice Mankambou