Le mercredi 10 avril, s’est tenue « l’Aïd el-Fitr », qui désigne la fête de la rupture du jeûne islamique. C’est à cette occasion que la communauté musulmane, notamment celle des Deux-Plateaux à Cocody, a manifesté sa joie et sa reconnaissance envers « ALLAH », son sauveur, pour tous ses bienfaits durant ce mois de jeûne.
Comme l’indique la sourate 2:185 dans sa version française, « Le Ramadan est le mois durant lequel le Coran a été révélé. » C’est donc dans ce mois d’abstinence, de jeûne et d’assistance aux personnes démunies que le quatrième des cinq piliers de l’islam fut l’occasion de partage et de solidarité pour les habitants de ce quartier ouest de Cocody : les Deux-Plateaux, réputés pour leur nombre colossal de maquis, de bars et de restaurants.
Frappés par un soleil intense en cette journée apparemment ordinaire, il est environ 8h45 lorsque les musulmans du quartier « Bleu Marine » se pressent pour rejoindre la mosquée qui jouxte le Centre de Santé Urbain Henriette Dagri Diabaté des Deux-Plateaux Adjamé Village Extension. À 9h00 précises, la « salat al-Eid » débute dans cette assemblée où les hommes se regroupent d’un côté et les femmes de l’autre, faisant preuve de concentration en entamant la prière par la déclaration solennelle : « Allahu Akbar ». Après cette exclamation de la grandeur de Dieu, chaque fidèle exprime une intention spécifique avec conviction et dévotion, affirmant ainsi la suprématie de son maître.
Après la prière de l’Aïd, il est précisément 9h30 lorsque les fidèles se saluent et échangent des vœux de joyeuse fête.
Ce moment de joie, de gratitude et de partage où les musulmans se rassemblent pour prier, échanger et partager des repas festifs soulève des interrogations sur la prière quant à l’omission de l’adhân (l’appel à la prière) lors de ce programme. Monsieur KONATÉ Ousmane, 62 ans, entrepreneur et doyen de la mosquée, s’est prononcé sur cette interrogation : « L’adhân n’est pas récité lors de la prière de la fête du Ramadan car cette prière est différente des prières régulières. Au lieu de l’adhân, la prière de l’Aïd est précédée d’un sermon (khutba) prononcé par l’imam ».
L’heure de l’agapé
Il est environ 13h lorsque la chaleur accablante maintient cette communauté musulmane des Deux-Plateaux chez elle. Le soleil atteint son paroxysme, provoquant une chaleur brûlante qui change l’atmosphère animée du quartier en un silence total. Pourtant, si les rues semblent désertes, les bruits des marmites et l’odeur appétissante des mets attirent l’attention sur leur origine. C’est dans le but de lever le voile sur ces interrogations que nous pénétrons dans une cour située à côté d’un restaurant, constitué d’un coin cuisine et d’un espace d’accueil communément appelé « garbadrome ».
Assis de part et d’autre sur des bancs encadrés par deux tables jumelées, les membres de cette cour, vêtus pour la plupart de manière décontractée, savourent avec appétit divers mets, notamment du riz blanc accompagné de sauces « claires » et « tomate », agrémentés de morceaux de poulet frit. Ces délicieux plats sont également accompagnés de sodas pour rendre cette fête encore plus agréable. En outre, le succès de ces mets suscite des interrogations quant à la somme dépensée pour leur préparation.
DONDASSÉ Sophie, 29 ans, commerçante et locataire dans cette cour, partage son point de vue sur le sujet : « En raison de la hausse des prix des denrées alimentaires due à la cherté de la vie, nous avons dû, nous et les autres membres de la cour, réunir un total de 50 000 francs pour rendre cette fête de Ramadan encore plus agréable. (…) » ; « C’est pourquoi nous sommes tous réunis autour de ces grandes tables, non seulement pour la part de chacun, mais aussi pour renforcer nos liens et favoriser une meilleure cohabitation au sein de la cour », ajoute Adama Berthé, 36 ans, tapissier et locataire de la cour.
Une soirée magique pour la communauté musulmane des Deux-Plateaux
Si les 14 premières heures semblaient ne pas mettre en avant ce jour en raison de l’absence d’animation et de foule dans les rues, les heures suivantes ont montré le contraire. À croire que cette communauté profitait bien de ce temps ensoleillé pour se reposer avant de revêtir ses habits de fête pour rendre cette célébration du Ramadan encore plus intense et mémorable. Il est 18h45 lorsque nous arrivons près de « Sococé », l’un des grands centres commerciaux d’Abidjan situé aux Deux-Plateaux. À peine arrivés, il est évident que cet événement a été un succès, avec une foule immense présente aux abords du centre commercial, manifestant sa joie. La chaleur humaine, le son des klaxons et l’ambiance animée des maquis alentour, plongés dans la douce obscurité de la nuit étoilée, suffisent à nous faire oublier l’envie de rentrer chez soi.
Il est 19h05 lorsque nous franchissons le seuil du centre commercial. La communauté musulmane est présente partout, envahissant le lieu au point qu’il devient difficile de distinguer les musulmans des autres visiteurs. À 19h15, une atmosphère magique envahit le lieu et les allées débordent de monde, de rires et de joie. Amis, familles et autres se divertissent dans cet endroit dynamique où une ambiance électrique règne en permanence. Si ces personnes, curieuses et émerveillées par tout ce qu’elles voient, ont contribué au succès de cet événement, la provenance de cette affluence humaine dans ce lieu reste sujette à interrogations.
C’est à 19h40 précises que KOUASSI Béhi, agent de sécurité de 26 ans à « l’Hyper U », l’entrée principale de Sococé, nous révèle : « La majorité des personnes qui envahissent ce lieu lors des fêtes ne résident pas dans le quartier, mais la plupart viennent d’autres communes et ne viennent pas pour faire des achats mais pour le tourisme, la découverte, les divertissements et les loisirs. (…) Cependant, comme ils ont causé des troubles ici, l’accès aux enfants a été temporairement refusé », ajoute-t-il. Une raison supplémentaire qui explique cette affluence humaine massive.
Au-delà de la magie ressentie lors de cette célébration du Ramadan, le sentiment de la communauté musulmane des Deux-Plateaux concernant l’Aïd el-Fitr a également suscité des interrogations. Madame DOUMBIA, coiffeuse et mère de trois enfants âgée de 32 ans, s’est exprimée à ce sujet : « Ce mois de jeûne dans l’ensemble a été un peu difficile cette année en raison de la chaleur extrême, mais la fin de celui-ci à travers cette merveilleuse fête de Ramadan a effacé toutes ces difficultés pour laisser place à la joie. C’est avec plaisir que je vis la fin du Ramadan. »
Rappelons que le Ramadan cette année a duré 29 jours.
Touvoli Charles